Saint Walhère de Onhaye
"Saint Walhère et le mal de tête"
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Titre bien bizarre, mais que vous comprendrez quand vous saurez pourquoi ce saint est imploré pour les maux de têtes. Mais avant cela, il faut se plonger sur les bords de la Meuse, plus précisément sur la rive gauche, pas loin d’Hastière-Lavaux. Là, se trouve une chapelle érigée en l’honneur de saint Walhère. En voici l’histoire.

Nous sommes au début du treizième siècle. Le bas clergé de l’époque n’était guère considérés de ses supérieurs. Ceux-ci, connaissaient-ils seulement leur existence ? A peine, pourrait-on dire. Qui devenait tenant d’une paroisse à l’époque ? N’importe qui pour peu qu’il sache lire ou qu’il soit bien introduit chez L’évêque. Un de ces éléments suffisait à la bénédiction ainsi qu’à la désignation. L’important était pour le Haut clergé que chaque paroisse soit desservie.

Bien sûr, ne devenait pas prêtre qui le voulait et de l’histoire qui va suivre, il ne faudra pas en tirer une généralité. Car tous n’étaient pas comme Norbert. Si Walhère était un homme pieux, défenseur de la foi catholique et merveilleux représentant de l’évêque en nos terres reculées de la Principauté, il n’en était pas de même de Norbert qui était son neveu.

Walhère exerçait son ministère à Onhaye, Norbert à Hastière.

Walhère se levait tous les matins aux aurores afin de bénir tous ses paroissiens avant qu’ils ne partent aux durs labeurs des champs, Norbert adorait se prélasser dans son lit le matin.

Walhère confessait tous les samedis et veillait à ce que l’office dominical se fasse dans les plus grandes pompes, pour le bonheur de ses ouailles. Norbert ne savait même plus ce qu’était une confession et lui-même en aurait eu bien besoin.

Walhère était d’ailleurs encore un des rares prêtres à ainsi pratiquer piété, générosité et disponibilité. Les autres étaient tous de la race de Norbert : gourmands, ripailleurs, ivrognes et paillards.

Ceux-ci se couchaient tard, rarement seul. Leur libertinage dépassait de loin les moines de saint Bernardin si bien décrit par nos étudiants. Point d’office religieux le matin, de temps à autre le dimanche, il fallait bien vivre et récolter un maximum d’argent lors des collectes. La journée se passait à manger, à boire et à conter fleurette aux femmes, en les menaçant si le besoin s’en faisait sentir des affres de l’enfer.

Il en était ainsi depuis quelques années déjà et le prince évêque en avait assez des réclamations de l’un ou de l’autre des différents barons ou compte de la région qui supportait difficilement de voir bafoué ainsi la Sainte Église qu’ils étaient censés défendre.

En 1209, Walhère, curé de Onhaye, se fit appeler à Liège et fut désigné doyen. Sa mission principale : mettre fin au libertinage des prestolets (*) du pays d’Entre-Sambre-et-Meuse. Ce que lui demandait son supérieur n’était pas une mince affaire. Comment leur faire comprendre et leur faire admettre que leur condition ne leur donne pas tous les droits ? Que le libertinage n’est pas affaire des enfants de l’Église Catholique et moins encore de leurs prêtres !

  • Mon cher neveu, il est temps que tu penses à ton âme et aussi à l’âme de tes ouailles.
  • Mais mon oncle, j’y pense.
  • Crois-tu que c’est pour le bien du seigneur que tu te trémousses dans la paille avec la femme de Nicodème quand celui-ci est aux champs ?
  • Si ce n’est pour son bien, c’est pour le mien et quel mal, mon oncle, y a-t-il lorsqu’il y a réciprocité dans le bien que l’on se fait ?
  • Ouais ! Triste mentalité que tu as là, mon neveu. Et tes orgies gastronomiques qui, souvent, se terminent avec des filles de joies venues de je ne sais où et qui font que le lendemain tu ne peux pas dire la messe ?
  • Je ne vois vraiment pas de mal. Qu’est-ce une messe pour deux ou trois vieilles qui très tôt le matin viennent se recueillir afin de pouvoir par après faire des ragots sur le voisinage ? N’est-ce pas mieux que je reste dans mon lit ? Cela leur évite un péché de calomnie.
  • Ce serait effectivement bien si ce n’était pas pour cuver ton vin ou pour te reposer d’excès dont j’ai déjà trop parlé. Tu périras dans les flammes de l’enfer, mon neveu. Repens-toi ! Il est encore temps !
  • Tu as probablement raison, mon oncle ! Je te demande donc l’absolution et te promets de ne plus recommencer.
  • C’est bien, Norbert ! Dieu, dans sa miséricorde pardonne au plus grand des pécheurs et tu es loin d’être le plus mauvais d’entre eux.
  • Parfait, mon oncle. Je sens ma conscience soulagée. Viens, je vais demander à ma bonne de nous préparer de petites cailles pendant que nous allons ensemble rendre grâce à Dieu dans mon église.
  • Que la volonté de Dieu soit faite ! Amen.

Norbert et Walhère s’en furent prier tous les deux jusqu'à ce que les effluves du repas les attirent à nouveau dans la cure. Norbert déboucha une bonne bouteille et c’est le cœur léger que Walhère quitta son neveu.

  • Adieu, donc cher neveu ! Je prierai pour toi et je remercierai le Saint-Esprit de la grâce qu’il vient de nous accorder.
  • Merci, mon oncle, mais je t’accompagne. Nous nous saluerons au bord de la Meuse, avant ta traversée.

La nuit était venue. Une fois au bord de la Meuse, le nouveau doyen dut se rendre à l’évidence : le passeur du bac était absent. Norbert se renseigna, personne ne savait où il se trouvait.

  • Probablement en train de cuver son vin dans l’un ou l’autre fossé, dit l’un.
  • Si c’est le cas, vous ne traverserez pas avant demain midi, dit l’autre.
  • Mais je ne peux pas rester ici, ce n’est pas possible, il faut absolument que je rejoigne mon presbytère ce soir, j’ai encore beaucoup de travail, dit Walhère.
  • Ne t’en fais pas mon oncle, je vais te traverser, j’ai l’habitude et je connais le passeur, il ne dira rien.

Ainsi dit, ainsi fait. Mais au milieu du fleuve, lâchement, Norbert leva la gaffe qui l’aidait à diriger le bac et violemment l’asséna sur le crâne du doyen. Son crâne éclata comme une pastèque. Il jeta le corps dans le fleuve et sans remords, retourna au presbytère où l’attendait une nouvelle conquête.

Le corps de Walhère ne s’enfonça pas dans les flots. Poussé par le courant assez fort, il flotta jusqu'à l’endroit où est érigée actuellement la chapelle. Au petit matin, les charretiers qui venaient pour prendre le bac aperçurent le corps flottant. Ils reconnurent Walhère, le chargèrent sur leur chariot pour le conduire à Walcourt. Il se passa alors quelque chose d’étrange. Malgré les cris, les jurons et les coups de fouets, les chevaux refusèrent d’avancer. Ils restèrent immobiles.

Non loin de là, une herdière s’occupaient des bœufs. Elle proposa d’atteler deux de ses animaux au chariot. On leur mit le joug et aussitôt les deux bêtes se mirent en route. Ils s'engagèrent à travers taillis et pierre, sans tenir compte de la route et arrivèrent bien vite à Onhaye. À un endroit bien déterminé, ils s’arrêtèrent et refusèrent de marcher plus en avant.

Il fallait se rendre à l’évidence. C’était probablement une volonté divine qui désignait cet endroit. On inhuma Walhère dans son église et on bâtit à Onhaye, une chapelle. Depuis, le 24 juin, on célèbre en cette chapelle l’anniversaire de saint Walhère connu aussi sous les noms de saint Wohi, saint Bohi ou saint Bouhi.

Est-ce le coup de gaffe sur le crâne qui fait qu’on le prie pour les maux de tête ? Sûrement, puisqu'il en a toujours été ainsi pour tous les saints. Saint Walhère est aussi évoqué pour guérir les maladies du bétail. Y a-t-on seulement pensé pour la vache folle et la fièvre aphteuse ?

(*) prestolet : petit prêtre sans considération